Parler objectivement du travail d’un photographe que j’admire n’est pas chose aisée. Heureusement, il m’arrive de faire de très belles rencontres, à qui il suffit de tendre un micro pour qu’elles se racontent, le plus simplement au monde, avec bonheur et générosité. “Au naturel” est une série d’interviews de photographes confirmés et reconnus, que j’admire personnellement. C’est aussi l’occasion de découvrir des pratiques, des univers et des personnalités incroyables. Dans ces entretiens, les photographes nous parlent avec passion de leur démarche, sans artifices, ni non-dits : au naturel. Aujourd’hui, j’ai le très grand plaisir de vous faire découvrir Fabrice Bertholino, un photographe macro qui, indirectement, a compté beaucoup pour moi et pour la création de Pose Nature. Bonne lecture à tous.

Bonjour Fabrice, avant de commencer je voulais te remercier d’avoir accepté cette interview. Je suis personnellement un très grand admirateur de tes photos et c’est en partie grâce à toi que j’ai découvert la macrophotographie, il y a un peu plus d’un an, en tombant par hasard sur ta page Flickr. Peux-tu te présenter, pour les lecteurs qui ne te connaissent pas encore ?
Tout d’abord, merci à toi de m’accorder cette interview et de porter de l’intérêt à mes images. Je suis très touché… Je trouve ton idée très intéressante, cela permet de découvrir un photographe un peu plus en profondeur, de découvrir quelques secrets cachés, ses techniques,… J’ai suivi avec intérêt celle d’
Olivier Naska, et je pense que c’est le début d’une grande série.
Je suis originaire de la région parisienne et je me suis installé en Bretagne en 2001, dans les côtes d’Armor. J’ai 48 ans, je suis menuisier de métier et père de trois enfants. J’ai découvert la photographie à l’âge de 20 ans, lorsqu’une amie m’a prêté un reflex pour un week-end, un vrai coup de foudre ! Achat d’un appareil dans la foulée, lecture de magazines spécialisés, visites d’expos… J’ai alors photographié tout ce qui passait devant l’objectif : fleurs, insectes, paysages, mes propres enfants sous toutes les coutures… Avec les années, je me suis un peu plus intéressé à la photographie de paysages, tout particulièrement aux paysages marins. Il faut dire que mon installation en Bretagne a facilité les choses et je me suis adonné aux poses longues durant un bon moment.
J’ai toujours été attiré par la macro, mais depuis cinq ans cela reste ma principale activité photographique. Un vrai coup de foudre également, une passion dévorante qui me fait découvrir une nature extrêmement diversifiée et une nouvelle approche photographique. J’aime partager cette passion, la photo permet de m’exprimer et de me libérer. J’anime également un petit club photo d’un quartier de Saint-Brieuc, on est une quinzaine de photographes, et j’essaye de leur apporter mes connaissances techniques. Je vois que cela a déjà porté ses fruits, alors je suis heureux… !

Quelle est ta démarche lorsque tu photographies ? Es-tu du genre à déclencher, puis passer rapidement à un autre sujet, ou au contraire prends-tu ton temps pour composer ton image ?
Ma démarche est simple : j’essaye maintenant de repérer mes sujets à l’avance, soit lors de balades, soit en récoltant des infos auprès de mes amis du milieu. Cela peut être un spot d’orchidées sauvages ou de fritillaires pintades, par exemple. J’y retourne alors plusieurs fois afin d’avoir la meilleure lumière possible (élément déterminant dans ma démarche). La météo est parfois capricieuse et compromet de nombreuses sorties, alors la patience s’avère de rigueur ! Lorsque tous les éléments sont réunis, je peux rester une heure ou deux autour d’une seule fleur ou d’une libellule. Je tourne toujours autour de mon sujet pour avoir le meilleur angle possible, la meilleure position. Tout est important dans une composition : le bokeh d’avant et d’arrière plan, la lumière, le support sur lequel est posé un insecte (il peut être disgracieux) et les éléments parasites qu’il faut éviter à la prise de vue, ce qui n’est pas toujours facile.
La plupart de mes images sont réalisées en contre-jour ou semi contre-jour, c’est là que j’obtiens les meilleurs résultats. J’aime beaucoup les sorties du matin, très tôt. J’arrive parfois sur un site lorsqu’il fait encore nuit, je repère mes sujets à la lampe frontale et j’attends le lever du soleil pour opérer. Mais cela demande beaucoup de temps et de disponibilités, ce que je n’ai pas toujours… Je préfère prendre mon temps maintenant pour composer, prendre du plaisir à photographier.
Mais il m’arrive aussi parfois de photographier à la “sauvette”, en oubliant tout ce que j’ai dit plus haut !

On peut voir sur beaucoup de tes photos une excellente maîtrise du flou de premier plan. Peux-tu nous parler brièvement de cette technique, pour ceux qui ne la connaissent pas ? Qu’est-ce qu’elle t’apporte quand tu construis une image ?
Oui, je passe beaucoup de temps à soigner cet avant plan, c’est lui qui met en valeur le sujet. Il est plus facile à mettre en place sur des sujets bas, comme les anémones sylvie, par exemple, ou les primevères ; je peux alors me “noyer” dans la végétation, mon boîtier à même le sol. Il est plus difficile à réaliser sur des sujets hauts, sans matière au premier plan. On me demande souvent si mes bokeh sont naturels, ou s’ils sont trafiqués, en quelque sorte. Cela m’étonnait au début mais je m’y suis habitué. Je leur explique alors ma technique et que tout est réalisé au maximum à la prise de vue. Mes compositions demandent parfois un peu de gymnastique pour ne pas endommager le milieu ou déranger un insecte. J’essaye de respecter au maximum l’endroit où j’opère, c’est pour cela que j’aime photographier seul en macro. A plusieurs cela devient compliqué.

Tu as quelques publications à ton actif dans des magazines spécialisés, tout d’abord félicitations ! Vivre de ta passion, ou tout du moins gagner un peu d’argent avec, est-il un de tes projets ?
Oui, j’ai eu quelques parutions dans des magazines spécialisés. Il y a eu
Chasseur d’Images, pour un portfolio sur mes paysages marins en
pose longue, mais cela date déjà de 2005. Et plus récemment,
Macrophotographie, un magazine que j’aime beaucoup, où on voit passer de magnifiques portfolios. Un vrai bonheur pour moi donc …
Mais pour ce qui est de vivre de ma passion, ce n’est pas du tout un projet, la photographie reste un plaisir pour moi. Passer de l’autre côté demande une autre démarche, un autre défi. Mais si je peux vendre quelques tirages lors d’expositions ou autres, c’est parfait ! Cela me permet d’acheter du matériel ou de réaliser un autre projet d’exposition.

Entre papillons et calopteryx, de quel côté ton cœur balance ? Quel est ton sujet préféré en macrophotographie ?
Mon cœur balance vers le calopteryx ! J’adore leurs attitudes, leurs vols et leur délicatesse, malgré qu’ils restent de sacrés mangeurs d’insectes. Je me suis attaché à les photographier un peu plus longuement cette année. On peut facilement les prendre en photo le matin, quand ils sont posés à attendre le soleil. J’aime aussi les prendre en vol ou quand ils déplient et ferment leurs ailes, une attitude que j’ai souvent rencontrée dernièrement. Mais je ne délaisse pas pour autant les papillons, il y a matière avec eux aussi… et surtout une grande diversité. J’aime aussi beaucoup les fritillaires pintades, il m’arrive de me déplacer dans le département voisin pour les photographier. Une fleur remarquable, mais qui ne pousse qu’à des endroits bien précis. J’ai un réel plaisir à les retrouver chaque année.

Niveau matériel, que peux-on trouver dans ton sac ?
Un appareil plein format: un Nikon D600. Niveau objectifs : un 105mm et un 150mm macro Sigma, qui sont stabilisés, car je photographie le plus souvent à main levée. Je possède également un 150-600mm Tamron, un 17-35mm et un réflecteur 5 en 1, pas mal pour déboucher les ombres sur un sujet et pour terminer une lampe frontale.
Et pour finir, si tu pouvais donner un seul et unique conseil à quelqu’un qui aimerait débuter en macrophotographie, lequel serait-ce ?
Pas facile d’être débutant ! On passe tous par là. Il y a de grosses périodes de stagnation, ce qui peut être désespérant et décourageant. Cela était quand même beaucoup plus simple au temps de l’argentique… Avec le numérique un novice est parfois perdu. Format d’images, taille du capteur, balance des blancs, différents logiciels à maîtriser… Une jungle !
Il faut tout d’abord très bien connaître son appareil, sans tomber dans l’excès (je n’utilise qu’une infime partie des réglages de mon boîtier). Puis maîtriser l’exposition et le trio
diaphragme–
vitesse–
sensibilité. Après, il y a le passage sur ordinateur, qui est un autre problème, mais tout cela vient doucement. Il faut aussi regarder le travail des autres, ne pas avoir peur de montrer ses images. La critique est parfois difficile à digérer, mais c’est une étape primordiale. Se déplacer aux expos ou festivals et discuter avec les photographes, ce qui est très enrichissant. Tout cela vient naturellement et ne demande pas beaucoup d’efforts lorsque l’on est passionné. C’est un peu comme cela que s’est déroulé mon parcours photographique…
Un grand merci à Fabrice Bertholino pour m’avoir accordé cette interview, n’hésitez pas à la partager autour de vous pour faire connaître son magnifique travail. Si vous connaissez également des photographes de talent (ou que vous êtes vous-même photographe confirmé), vous pouvez me contacter via le formulaire afin d’apparaître dans cette série d’interviews.
FABRICE BERTHOLINO
“Passionné de photos depuis plusieurs années, j’aime arpenter les sous bois, les nombreux coins de verdure pour découvrir de nouveaux sujets : orchidées sauvages, papillons, amphibiens, champignons,… la liste est longue ! Je n’aurai jamais assez de temps pour photographier toute cette beauté naturelle.”
Retrouvez Fabrice Bertholino sur ses différentes pages :
Site internet — Page Facebook — Page Flickr
Félicitation Fabrice..beaucoup de simplicité dans tes réponses…bonne continuation !